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Fanny Ardant, asociale, dit-elle


Elle est comme un pan de la culture française. Une actrice qui rédige des préfaces à des œuvres de littérature. Quand, au cinéma, elle est Lola Pater, un homme devenu femme, on est ébloui par tant de liberté et de beauté. Quand on rencontre Fanny Ardant, on est conquis pour les mêmes raisons.


Une voix qui timbre les mots de velours et d’affectation. Une silhouette, hautaine, élégante, lointaine, une étrange beauté. Fanny Ardant, fille d’un colonel précepteur du prince Rainier de Monaco, a grandi sur le Rocher – « sans amis », dit-elle. Un amour immodéré des livres en général et de Marguerite Duras en particulier. Une actrice à part, bourgeoise, incandescente, amoureuse, qui, sous l’œil de François Truffaut (dont elle aura une fille) à Alain Resnais et Ettore Scola, a forgé un personnage, Fanny Ardant.

C’est ce que je croyais savoir de Fanny Ardant, peu de choses finalement. Jusqu’à la découverte de Lola Pater, de Nadir Moknèche, au cinéma le 9 août. Fanny Ardant y joue Lola, une femme transgenre qui tente de renouer avec son fils, qu’elle a quitté alors qu’elle était encore homme. Elle affirme dans ce très joli film que vivre libre c’est compliqué, mais lorsqu’on n’a plus rien à perdre, il ne reste que ça, la liberté. Elle y est d’une beauté fracassante. Nous avons rendez-vous dans un café de Saint-Germain-des-Prés. L’apparition de l’actrice, vêtue d’une robe d’été noire à fines bretelles

sur un T-shirt à manches longues, raconte encore autre chose, disons une simplicité délibérément modeste. Passant du vous au tu, sautant d’une idée à l’autre, elle se promène dans la conversation comme quand on conduit sur des petites routes sans GPS. C’est le bordel, mais c’est Fanny, la vie intense, inaliénable. Ne passez pas à côté.




Marie Claire: Dans ce film j’ai vu une femme qui m’a donné moins peur de vieillir.
Fanny Ardant: Si, arrivée à son âge, Lola avait fait des compromis, elle n’aurait pas eu cette volupté de vivre. Je pense qu’on a cette volupté quand on a abordé tous les âges de la vie sans écouter ce que disent les journaux, avec leurs petites recettes. Bien sûr qu’on sacrifie des choses, on sacrifie peut-être une sécurité, famille, patrie…
Vous stigmatisez souvent l’idéal de vie que vous appelez «la petite maison dans la prairie».
Oui, c’est comme si on avait fermé les écoutilles et que plus rien ne pourrait arriver.
Avez-vous voulu vous marier un jour?
Non. J’ai toujours pensé que les grandes passions étaient clandestines.
Le grand amour est une subversion ?
J’ai surtout un problème avec la société. J’ai toujours pensé que le regard de la société est dangereux pour l’individu. La société est intéressante pour la provoquer. Mais il faut s’en éloigner, faire des allers et retours. Et en même temps, je suis contradictoire, car je crois qu’il n’y a rien de plus beau qu’une famille.
Une famille où il y a de l’amour.
Oui, je pense que ça vaut tous les chefs-d’œuvre. Je pensais que c’était la chose la plus importante, parce que moi-même je suis issue d’une famille magnifique. Est-ce qu’une enfance très heureuse, protégée, ça donne beaucoup de force plus tard ?
Ça doit aider.
Oui, je crois. J’ai souvent entendu cette expression : « On n’a pas des enfants pour soi. » Je ne peux pas supporter le côté rationnel et bon citoyen. Il y avait quelque chose d’étouffant dans les exemples que j’ai vus. J’ai eu envie de mettre une bombe. C’est pour ça que je n’ai jamais fait partie d’un mouvement politique, parce que tout parti fait abstraction de la contradiction. Or je crois que la contradiction c’est la vie. Il y a l’ombre du soleil, le soleil de l’ombre.
Une fois, vous avez dit: «Je suis très sombre, moi, Fanny.»
C’est moi, Fanny, la pierre dure, le disque dur de l’ordinateur. Alors que l’autre, celle qui sort…
L’autre, le personnage Fanny Ardant ?
Pas le personnage, l’autre qui dit : « Allez, vas-y, allège tout ça. » J’aime beaucoup la vie. Des vagues noires m’emportent, et il y a l’autre partie que, curieusement, je n’appellerai pas Fanny, quelque chose de plus intelligent, plus sur la vie. Moi qui suis asociale, quand je vais très, très mal, je compte beaucoup sur l’Autre, avec un grand A. N’importe qui peut m’inviter, je dirai oui tellement je sais que le salut viendra de l’Autre.
C’est aussi un instinct de survie.
Oui, quelquefois, quand vous dites : « Je n’ai aucune envie d’aller là », mais que je sens l’aile noire, je dis : « OK. Agenouille-toi, la foi viendra. Allez, fais confiance à cette société que tu détestes. » C’est contradictoire. (Son téléphone sonne pour la troisième fois.) Je n’arrive pas à le mettre sur silencieux.
Malheureusement, je ne sais pas non plus.
Surtout que j’ai un Blackberry.
Il y a encore des Blackberry?
Sachez que le monde est séparé entre ceux qui aiment les Beatles et ceux qui aiment les Rolling Stones.
Et entre ceux qui aiment Balzac et ceux qui aiment Flaubert.
Ecco (« C’est ça », en italien). Les Rolling Stones, c’est Blackberry. Iphone, c’est les petites marguerites que chantent les Beatles.
Philippe Besson dit de vous que vous êtes punk. Plus qu’une punk, je vois une jeune fille de bonne famille qui continue de faire le mur.
Les autres me pensent punk car avant de me connaître ils pensaient conformisme. Vous dites « fille de bonne famille »… Oui, au départ. Mais est-on défini à vie par sa classe sociale ? « Elle est punk ! C’est pas du tout ce que je croyais d’elle, un peu snobinarde. » Ah ! C’est plutôt un manque d’imagination.
Mais vous êtes impressionnante! Vous avez une diction très à vous, vous n’êtes pas dans la futilité.
Parmi les choses que j’aime le plus dans la vie, il y a les vraies conversations. A quoi bon se voir si c’est pour ne rien dire d’intéressant ? J’aime que quelqu’un agrandisse ma vision des choses, quand on peut revenir sur une idée préconçue. C’est ça que j’attends : qu’on me parle.
Peu de gens sont prêts à ça?
L’interview est une des rares occasions de parler. Les dîners aussi, mais parfois je me demande : « De quoi parle-t-on là ? » Et je m’en vais.
Vous le faites vraiment?
Oui ! Il y a toujours un train, même à 23 h 23.
Vous donnez la vraie raison de votre départ, l’ennui profond?
Non, je m’excuse incroyablement.
Vous proférez un mensonge de courtoisie.
Comme vous avez dû le lire, je mens beaucoup.
J’ai lu ça, effectivement. Vous n’êtes pas en train de me mentir, là ?
Souvent je mens sur les faits, pas sur ce que je crois. La grande joie d’être actrice, c’est de perdre ma personnalité : « Faites de moi ce que vous voulez. » Mais au moment où on me parle à moi, Fanny, si je commence à mentir sur ce que je crois, sur ce que j’aime, alors il n’y a plus rien.
Vous avez dit: «Par définition, il faut toujours mentir à la police.» Pourquoi?
L’arrogance de la force me rend folle. Tu fais tourner ton bâton, tu menaces, tu veux la vérité ? Va la chercher, trouve-la ! Je ne vais pas me mettre à genoux devant toi. « Madame, vous risquez d’aller en cabane. – Emmenez-moi. » Je ne ferai jamais de témoignage contre quelqu’un. Jamais ! Et si c’est un assassin ? Il y en aura 99,9 % qui vont le dénoncer. Si la police dit : « Vous étiez là à telle heure. » Cherche, Ducon, cherche.
Ah, ah! C’est bon ça!
Dans mon film sur Staline*, c’est ce que je voulais montrer. On subit tous une forme de pouvoir. Dans la mémoire collective, Staline c’est la terreur. Mais dans nos démocraties, tout le monde subit un pouvoir, des gens se suicident au travail. Que devient-on devant ce pouvoir ? On s’agenouille ? C’est pour ça que j’aime les personnes très âgées. Leur plus grande qualité c’est l’insolence, plutôt que de se faire pardonner d’exister ou de rentrer dans le rang.
Plus rien à perdre.
Qu’est-ce que tu fais à une vieille dame ? Tu la mets en cabane ? Faire passer la sécurité avant la liberté, c’est le plus grand danger.
C’est ce que vivent aujourd’hui les démocraties occidentales.
Voilà pourquoi je mens à la police. Au fond, tout ce ramassis de lois… Oh, c’est interdit de fumer. Ce sont des pays en paix qui font ça ! Vous imaginez qu’en Syrie on va sanctionner quelqu’un qui fume dans un restaurant ? Souvent, les gens disent : « Je suis un bon citoyen, j’obéis aux lois. » Mais tu es stupide. Les seules lois qui resteront valides ce sont les lois bibliques : « Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas… » La jalousie, la vengeance, tout ce qui est primitif, n’évolue pas. Il n’y a pas de progrès dans les sentiments !
Dans Lola Pater, votre personnage boit comme un trou.
J’aurais beaucoup aimé m’adonner à l’alcoolisme.
Connaissez-vous l’ivresse, et est-ce un état que vous aimez?
Oui, mais je n’ai pas eu de gens qui m’aimaient assez pour que je ne tombe pas complètement au fin fond de… Les grands alcooliques ont un ange tutélaire. Une télé m’avait proposé de faire un documentaire sur l’alcoolisme. J’avais écrit une histoire où j’avais transformé l’alcoolisme en ivresse. J’avais sorti les poèmes, les écrivains, les chanteuses de jazz, toutes les Duras qui, en état d’ivresse, avaient atteint le génie.
Je finissais avec quelqu’un qui partait en voiture en zigzagant, la phrase de Courteline en voix off : « L’alcool tue lentement, mais on s’en fout. On n’est pas pressés. » Je n’ai pas été produite. Je comprends l’ivresse, cette tentative d’atteindre quelque chose. Et je comprenais l’alcoolisme mondain. On peut arriver quelque part et être plombé. Un château-margaux – dans le meilleur des cas ! J’ai plus d’attirance pour l’alcoolique que pour celui qui va à la salle de sport.
Et pour les écrivains alcooliques?
Les grands écrivains sont des extralucides. Ils vous montrent des chemins. Si vous êtes un petit peu intelligent, vous comprenez. La volupté et l’anéantissement. Lola, elle boit trop. Devenir un objet de réprobation de la société, ça va très vite. J’ai entendu des gens dire de femmes : « Elle boit. » A voix basse, croyant que j’allais rallier le chœur. Je disais : « Et alors ? » Le bon sens commun ! « Alors, quand est-ce que tu nous fais des enfants ? Un grand chagrin d’amour ? Un coup chasse l’autre… »
On entend tout ça. Je me demande si les gens qui disent ces choses y croient. On dit toujours qu’il y a un progrès ; sur les sentiments, il n’y en a pas. Depuis L’Iliade, la femme et l’homme n’ont pas changé. On a les mêmes sentiments que la princesse de Clèves, si on est marié avec un homme qu’on aime. Même en 2017, le problème de la princesse de Clèves avec le duc de Nemours se pose de la même façon.
(*) Le divan de Staline, avec Gérard Depardieu.

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