Le Devoir a rencontré l’actrice et la cinéaste lors de la première
des Beaux jours au cinéma Excentris à la mi-septembre. Une Fanny Ardant
rayonnante de générosité et de vitalité. L’amertume n’est pas sa tasse
de thé. La nostalgie non plus. Ses producteurs ont proposé à la cinéaste Marion Vernoux l’adaptation
du roman de Fanny Chesnel, Une jeune fille aux cheveux blancs. Couguar,
cette Caroline qui répond aux avances d’un homme de vingt ans son cadet
? La cinéaste de Love etc. et de Rien à faire trouve l’expression «
couguar » sexiste avec sa connotation de trophée de chasse. « J’ai
plutôt mis en scène une relation égalitaire et légère. Davantage que
dans le roman où l’amant, endeuillé à la fois de sa mère et de sa femme,
faisait un transfert sur elle. Ici, Julien est tout simplement un homme
à femmes. Il les aime toutes, sans souci d’âge. » Marion Vernoux a voulu transformer Fanny Ardant: des cheveux blonds,
des jeans, elle qui n’en porte jamais, un débit plus lent, la beauté
rieuse, mais la classe habituelle, sa marque de commerce. L’actrice ne
craignait pas de s’amuser avec le thème du vieillissement. Le film
aborde l’éternel triangle entre un mari sensible, blessé mais évolué
(Patrick Chesnais, à son meilleur), l’amant érotomane (Laurent Lafitte)
et cette femme, à la croisée des chemins de sa vie, qui s’est demandé :
Pourquoi pas ? « Le temps qui reste, c’est un bon sujet au cinéma »,
estime Marion Vernoux. Son interprète pense de même. Fanny Ardant choisit ses rôles, dit non à plusieurs propositions. «
Et je n’ai jamais regretté d’avoir refusé quelque chose, dit-elle. Mais
le personnage de Caroline ouvrait des pistes nouvelles pour moi. On a
beaucoup travaillé son look, sa coiffure. Elle m’entraînait du côté du
plaisir aussi. Si je fais ce métier, moi qui ai commencé au théâtre,
c’est parce que j’estime que la beauté doit se partager. Sinon, j’avance
masquée par courtoisie. Je suis l’icône d’une époque, mais je vis
ailleurs, dans mes pensées, comme autrefois. J’ai toujours été une
grande lectrice. Ça crée un ancrage dans l’intériorité. » Au départ, sa voix grave fut considérée comme un handicap. « Les gens
s’habituent à tout. Mais le danger, c’est d’être défini dans un type de
rôles. Les actrices doivent porter des sentiments, des pensées, un
caractère, surtout pas une classe sociale. » On l’imagine mal en
domestique mal embouchée, autant l’admettre. Fanny Ardant a tout de la
grande dame. « J’aimerais ça pourtant. » Elle dépeint le personnage de Caroline comme une antihéroïne, qui
vient de perdre sa meilleure amie, embrigadée par son travail, bien
mariée mais se demandant si la vie se résume à ça. Comme une femme libre
et audacieuse. «Caroline se rend dans un club pour personnes âgées parce que sa
famille s’inquiète pour elle, explique l’actrice. Au départ pleine d’a
priori, elle rencontre des gens attachants, dont Julien, qui y
travaille. Il fait bien l’amour. Ce n’est pas la passion de Phèdre pour
Hippolyte. Mais grâce à lui, elle comprendra à quel point son mari est
magnifique. Caroline empêchera sa liaison de tourner à la banalité.
Toute relation intime est dangereuse. Elle le sait, mais la vie a plus
d’imagination que nous. Elle ne l’ignore pas non plus.» Dans Les beaux jours, en salle vendredi (la cinéaste a gardé le titre
malgré le passage préalable de Beckett, en lien d’ironie), Caroline
prend sa retraite. « L’âge aussi signifie pour d’autres que le patron
vous met dehors, mais dans mon cas, c’est une question d’envie, de
désir, précise Fanny Ardant. Et tant que le plaisir de jouer sera
intact, je continuerai, au théâtre aussi. Le passé ne me passionne pas,
mais le présent, oui. Quant à l’âge des actrices, on nous en parle dès
qu’on dépasse trente ans. Je n’ai rien contre la vieillesse. Au
contraire, il faut l’aborder librement. Ce sont les tabous qui
emprisonnent, pas le temps qui passe. »
Comentarios